»»»  Mémoire-Avis de Chantal Mino, psychoéducatrice, sur le Projet de loi 27 présenté aux membres de la Commission des affaires sociales le 8 juin 2001 .(pdf) «««




Témoignage d’un cas vécu dans l’exercice de ma profession

Après plusieurs expériences passées à travers le réseau de la santé et de services sociaux publics et communautaire au Québec, j’aimerais vous résumer celles-ci et vous faire part de mon avis en ce qui concerne le projet de loi 27.

J’ai choisi la psychoéducation par passion car je voulais aider mes semblables dans un vécu partagé, en particulier les enfants en difficulté d’adaptation, en partenariat avec leurs parents, afin qu’ils puissent s’épanouir et se développer de façon harmonieuse vers un maximum d’autonomie et de liberté qu’ils ont le potentiel d’atteindre, comme j’ai moi-même la chance d’en profiter selon mes forces et mes limites qui se modifient au fur et à mesure des années où je m’actualise.

Depuis le début de ma formation universitaire jusqu’à mon expérience dans le communautaire, j’ai pu constater plusieurs situations inadmissibles où des personnes vulnérables et ignorantes de leurs droits n’ont aucune force de se défendre face à des comportements qui vont totalement à l’encontre des lois de notre société mais qui sont commis par des personnes ayant davantage d’autorité, sinon, de crédibilité aux yeux de plusieurs.
Aucune loi ne protège ces usagers et les intervenants qui leurs viendraient en aide. Qui va-t-on croire ? Une personne qui a des problèmes de santé mentale ou un intervenant du milieu de santé publique ou communautaire ? Une jeune adolescente qui a des troubles du comportement ou un éducateur d’un Centre jeunesse ? Un patient ou un médecin ? Un enfant ou un adulte ? Une jeune psychoéducatrice qui débute ou un chef de programme qui a 25 années de travail dans le même hôpital ? etc. Il y a clairement un rapport de force et de crédibilité qui penche automatiquement vers celui qui a le plus d’expérience, qui est le plus outillé et qui travaille supposent à aider l’autre, sans qu’il n’y ait une vérification des faits. Et, les intervenants qui osent se porter à la défense des droits de ces personnes placées en position de vulnérabilité face à certaines autorités sont rapidement diminués, éliminés ou ils subissent du harcèlement de toutes sortes afin qu’ils quittent par eux-mêmes leur emploi ou que leur moral lâche, s’ils ne sont pas carrément congédiés.

Mis à part le congédiement, c’est exactement ce que je subis depuis 2 ans et demi, parce que je fais passer le bien-être, le développement et la protection d’un enfant avant la protection des erreurs commises par d’autres professionnel(le)s de la santé et des services sociaux publics du Québec. Même que l’hôpital pour qui je travaille présentement a pris la décision de ne plus me payer face à la volonté des parents et de l’enfant concerné que je demeure au dossier (ce qui est dans leurs droits) et face à mon entêtement de rester, afin de veiller au respect de la dignité et des droits de cet enfant, de maintenir et d’exiger les soins que requiert la santé et le développement harmonieux de cet enfant dont le développement a été et peut être encore sérieusement compromis par les écrits et les soins de plusieurs professionnels de cet hôpital et d’autres institutions si les erreurs commises ne sont pas réparées.

Depuis 1997, les parents de cet enfant ont fait deux fois le tour de la boucle du système des plaintes actuelles et tout ceci n’a servi qu’à les épuiser et à tout étouffer et c’est encore eux qui doivent faire les démarches, tout en pouvant compter sur mon aide afin les accompagner, pour que les professionnels concernés réparent les erreurs qu’ils ont commises en faisant les démarches auprès de la Commission d’accès à l’information et une plainte à chaque ordre professionnel concerné. Cela demande énormément de temps, d’énergie et d’argent pour ces parents, qui ont toujours un enfant malade et qui ne demandent que le respect de leur dignité et de leurs droits légitimes sans cesse bafoués par plusieurs intervenants du réseau de la santé et des services sociaux public du Québec.

N’eut été de ma passion et de ma persévérance, mais surtout de l’aide de plusieurs collègues en dehors de l’hôpital, cet enfant serait institutionnalisé aujourd’hui et sûrement sous médication depuis mars 1998, et il coûterait de 3 à 4 fois plus cher au gouvernement. Sa vie n’aurait aucun sens, si elle ne serait pas carrément achevée. Malgré la situation qu’il a vécue, pire que les orphelins de Duplessis, cet enfant ayant ses deux parents très à l’écoute de sa santé a pourtant été enfermé en psychiatrie et bourré de pilules, compromettant sa santé physique et mentale durant deux années consécutives, de 1996 à 1998, sans aucune justification valable sinon un abus de pouvoir d’influence et un manque flagrant du respect de ses droits. Il s’agit d’usagers vulnérables, démunis et sans défense face à l’utilisation de connaissances universitaires et légales pour les induire en erreur. Ce dossier est complètement abandonné par les instances gouvernementales québécoises.

N'étant nullement protégée par une dénonciation de compromission, je dois malheureusement attendre que la Commission des normes du travail règle le tout. Je suis prise au piège, entre la vie de cet enfant ou mon salaire pour vivre ; une chance que j’ai un bon environnement et une providence qui me vient en aide, ce qui m’encourage à persévérer dans mon travail mais m’oblige, avec un grand sentiment d’impuissance, à me diriger vers des services privés, ce que j’ai bien hâte de mettre en marche pour le bien-être de quelques enfants dont les parents auront les moyens de se payer mes services ; là au moins, j’aurai le droit d’être intègre et de pratiquer pleinement la profession que j’ai choisie.

Tenant compte de mon éthique et de ma conscience professionnelle, je continue mon travail malgré tout, mais je me vois maintenant contrainte à écrire un livre pour documenter la population afin qu’elle se protège davantage et soit moins ignorante des moyens techniques qu’utilisent certaines personnes travaillant dans le réseau public de la santé et des services sociaux pour se protéger et avoir le dessus à tout prix, même celle d’une vie humaine, celle d’un usager malade et sans défense.


Le projet de loi 27 ne va pas assez loin

Clairement, il y a une loi du silence qu’il faut briser si notre gouvernement veut vraiment que soit respectée la Loi sur les services de santé et les services sociaux en ce qui concerne les droits et la dignité des usagers du réseau de la santé et des services sociaux du Québec. Dans cette optique, le projet de loi 27 apparaît être une solution, mais à mon avis, si elle est gardée telle quelle, rien ne changera concrètement et les personnes malades et vulnérables seront toujours sans défense face aux manques de respect de leurs droits légitimes, et plusieurs vies humaines continueront d’être gâchées sinon perdues, car le Protecteur des usagers, tel que mentionné dans le projet de loi, ne possède en vérité qu’un pouvoir de recommandation, d’en faire état au ministre, au besoin ou dans son rapport annuel, ce qui est nullement suffisant étant donné l’urgence d’agir rapidement dans plusieurs situations. En somme, il se trouve à avoir les mêmes pouvoir que la Commissaire aux plaintes dans le système actuel, ce qui ne donne absolument rien. J’ai donc quelques propositions à faire aux membres de la Commission des affaires sociales afin que ce projet de loi fasse qu’il y ait enfin un respect des usagers et des droits qui leur sont reconnus en matière de santé et de services sociaux au Québec :

 

Recommandations

Recommandation 1
Changer l’appellation de ce projet de loi par la Loi sur la protection de la santé et du soutien social, afin qu’elle soit reconnue rapidement par la population, surtout celle qui en a le plus besoin. Cette loi vise clairement au respect de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Recommandation 2
Nommer un Directeur de la protection de la santé et du soutien social (DPSSS) au lieu d’un Protecteur des usagers, par analogie au Directeur de la protection de la jeunesse mais qui aurait les même pouvoirs que ce dernier en plus des mêmes que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en ce qui a trait à la compromission de la dignité, de la santé physique ou psychique d’un usager du réseau public ou communautaire, enfant ou adulte. Il est important de souligner ici qu’un enfant ayant des parents qui tentent du mieux de leurs connaissances de faire qu’il ait les soins que requiert son état de santé, n’est aucunement protégé lorsque son développement est compromis par les services de santé et les services sociaux donnés par certains intervenants du réseau public ou communautaire ; c’est un vide juridique qu’il est urgent de remplir car plusieurs abus ont lieu face au manque d’imputabilité des actions de ses intervenants.

Recommandation 3
Modifier l’article 8, 9 et 10 du projet de loi 27 afin de faire une loi qui est similaire à la Loi sur la Protection de la jeunesse et qui permettrait une intervention rapide et concrète :

• Lorsqu’il y a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un usager est compromis par les services offerts dans le réseau de la santé et des services sociaux publics ou communautaires (ces services ne respectant pas alors la loi SSSS), le signalement devrait être obligatoire par tout professionnel, intervenant, employé et bénévole qui, de par la nature même de leurs actions, prodigue des soins ou toute autre forme d’assistance à des usagers des services de santé et des services sociaux publics ou communautaires, ainsi que par tout adulte;

• L’aide et le secours à la personne en situation de compromission devraient être obligatoire ;

• Il devrait y avoir immunité pour ceux et celles qui font le signalement et qui ont aidé l’usager en situation de compromission (modification de l’article 27 du projet de Loi 27) comme le présent projet de loi propose l’immunité;

• Il devrait y avoir élargissement de l’application de l’article 32 du projet de loi 27 à l’ensemble des personnes impliquées dans les cas de dénonciation du manque de respect des droits des usagers en matière de santé et de services sociaux.

• Il devrait y avoir protection de l’emploi, soutien ou recours rapide pour les employés qui font le signalement (de l’administrateur, du médecin jusqu’à celui qui fait l’entretien ménager incluant toute autre personne travaillant dans le milieu de la santé et des services sociaux public ou communautaire) et qui ont aidé l’usager pour le respect de ses droits ou lorsqu’il était en situation de compromission ;

• Nul ne devrait être tenu ou être contraint de dévoiler son identité s’il fait un signalement ou s’il est venu en aide à un usager en situation de compromission, sans son consentement.

Recommandation 4
Le DPSSS devrait veiller à faire cheminer le dossier vers les structures administratives
pertinentes, comme les responsables de département, les responsables syndicaux, les ressources humaines, le médecin examinateur et le conseil d’administration, les ordres professionnels, dès qu’ils sont concernés par une action de leurs membres, et s’assurer du suivi, tout en en faisant part à l’usager, pour faire cesser tout comportement qui compromet la sécurité, la santé et le développement des usagers du réseau de la santé et des services sociaux, public ou communautaire. Il est impensable et illogique de demander à des personnes en position de très grande vulnérabilité et dont l’état exige des services de santé et des services sociaux, d’assumer toute la responsabilité des démarches administratives à n’en plus finir, afin d’avoir droit à la dignité et au respect de leurs droits légitimes en matière de santé et services sociaux, c’est une responsabilité sociale.

Recommandation 5
En ce qui concerne le commissaire local et régional, il serait pertinent de modifier les articles
29, 30 31, 32, 33, 38, 39 ,40, 47, 51 et spécifier :

• Qu’ils doivent obligatoirement donner les informations et les coordonnées concernant l’accès aux Groupes de défense des droits qu’on retrouve en milieu communautaire de la région;

• Qu’ils relèvent directement du DPSSS (modifier la responsabilité envers le conseil d’administration pour la responsabilité envers le DPSSS) ;

• Qu’ils répondent obligatoirement des conclusions ou un retard de ses conclusions, par écrit, aux plaintes analysées, qu’elle soient écrites ou verbales, et ce, dans un délai de 60 jours s’il n’y a pas d’urgence ;

• Qu’ils préviennent immédiatement le DPSSS pour les cas de compromission ;


Enfin, tout ceci permettrait à plusieurs personnes du milieu de la santé et des services sociaux public ou communautaire de mieux faire leur travail, de leur faciliter le respect de leur code de déontologie, s’il y a lieu, donc de faciliter le travail des ordres professionnels, de favoriser une plus grande éthique de travail, d’accroître une prise de conscience en ce qui a trait à l’imputabilité des gestes posés par tous les intervenants du réseau de la santé et des services sociaux public ou communautaire, d’accroître la motivation et l’efficience chez ces derniers, et surtout, tout ceci permettrait de préserver la dignité, la santé et la vie de plusieurs usagers vulnérables et sans défenses ayant besoin des services de santé et services sociaux au Québec.

En espérant être entendue et soutenue pour le bien-être de nos concitoyens qui sont en position de très grande vulnérabilité lorsqu’ils sont devant la maladie ou des problèmes psychosociaux, je vous remercie de votre attention et vous envoie, chers membres de la Commission des affaires sociales, mes salutations les plus distinguées.

Chantal Mino, ps.ed.
Responsable de l’intervention psychoéducative à domicile à l’Hôpital
Casier postal 261, Succursale Montréal-Nord
Montréal-Nord, H1H 5L2 »



À voir aussi, les trois (3) autres mémoires que Chantal Mino ps.éd. a  déposés à l'Assemblée nationale du Québec en 2002, 2003 et 2013 :

Mémoire de Chantal Mino déposé à l'Assemblée Nationale (Qc) le 18 mars 2013 qui inclut celui de 2001, 2002 et 2003 ainsi que son c.v. à partir de la page 9

Mémoire de Chantal Mino déposé à l'Assemblée Nationale (Qc) le 5 février 2002


Mémoire de Chantal Mino déposé à l'Assemblée Nationale (Qc) le le 27 février 2003